Mon fils vient de passer son bac et son sujet de philosophie était « avoir raison contre les faits ». A sa place, je ne pense pas que j’aurais choisi celui là car il me semble difficile de défendre cette thèse.
Une proposition de corrigé qui m’a plutôt surpris
http://lewebpedagogique.com/bac-s/bac-s-philo-2011-sujet-2-peut-on-avoir-raison-contre-les-faits/
Je vais examiner la question mais pas comme une épreuve de philo au bac.
Comme d’habitude, les mots sont source de problème (du fait notamment de leur polysémie).
En premier lieu, les faits sont supposés être les « faits vrais » c’est à dire qu’ils sont rapportés sans déformation ni mensonge (sinon, la possibilité d’avoir raison face à des faits mensongers est évidente).
Le mot « contre » sera pris comme exprimant l’opposition (et non le contact étroit par exemple car alors la question n’est pas paradoxale car il signifie plutôt « avec les faits »). Ainsi, le corrigé examine aussi une autre lecture de « avoir raison » qui est « donner une interprétation des faits ». « Avoir raison contre les faits signifierait alors donner une interprétation juste de ce qui se passe, s’est passé, voire va se passer ».
L’enjeu du sujet est bien d’avoir « les faits » d’un coté et « une raison » de l’autre qui sont contraires. Cela signifie que cette raison et ces faits « parlent de la même chose » (sinon la question n’a pas beaucoup de sens). Ainsi, dans le corrigé il est dit « on n’a pas raison, ni tort contre un tremblement de terre ». C’est l’exemple d’une phrase « insensée » puisque la raison porterait sur la prévision (ou non) du tremblement de terre (voire de sa possibilité). Le tremblement de terre « est », la raison « en parle ».
Dans le « corrigé », il est écrit « si les faits signifient ce qui s’est passé, avoir raison consiste à reconstituer ce passé, à lui donner un sens par une interprétation qui vient s’ajouter. » Voilà qui est jouer sur les mots : l’expression « avoir raison » ne signifie pas alors « être dans le vrai » mais « avoir (toute) sa raison » soit encore « donner du sens ».
« Avoir raison » sous-entend qu’un être (humain) pense cette « raison ». Il a une position/opinion (qui peut être plus ou moins bien réfléchie ou argumentée). Je lis dans le dictionnaire que le mot raison, outre la capacité logique de séparer le vrai du faux, serait aussi une capacité morale à séparer le bien du mal. On va devoir traiter des 2 cas.
Dans le premier cas, il s’agit d’avoir moralement raison contre les faits (du réel). Il n’y a pas vraiment de paradoxe. Le monde est remplis d’événements amoraux ou immoraux quelque soit le système moral de référence. Les gens sont méchant et font des actions mauvaises soit, il est possible d’avoir raison moralement contre cela (selon son référentiel). Il est même possible que le « méchant » sache qu’il agit méchamment.
On en vient au coeur du sujet (le reste me semble être de la perte de temps) : serait-il possible d’avoir raison (logiquement, rationnellement) contre des faits du réels ?
C’est possible s’il s’agit de faits d’exception. Ainsi, on aurait une théorie générale globalement vrai mais comportant des limites d’applications dans lesquelles viendraient se loger ces faits (cas de la mécanique classique avec les phénomènes relativistes). Strictement, la théorie est fausse, mais en pratique, on peut l’admettre vrai pour son domaine d’application.
Je pense aussi à la Fontaine et sa « raison du plus fort ». Il est certain que si vous tenez un pistolet sur ma tempe, voilà un argument qui tendra à vous donner raison même si les faits ne le font pas.
Sinon, je ne vois pas. C’est bien le réel et ses phénomènes qui sont la seule source de « raison rationnelle ».