Une logique ou plusieurs logiques ?
Comme certains, je m’intéresse aux énigmes. J’ai cherché quelques temps « la chouette d’or » (http://www.lachouette.net).
Comme tout le monde, je sèche.
Cette chasse est constituée d’une douzaine d’ énigmes permettant de localiser une cache en France (un lieu précis) où est enterré une chouette de quelques dizaines de centimètres. On suppose en outre que le décodage de ces énigmes est « logique ». La lecture du forum précité montre que la logique n’est pas la même pour tout le monde. L’une de difficultés de la chasse est de « sentir » le « fonctionnement » logique de l’auteur des énigmes. Ceci constitue le déclencheur de cette réflexion.
Au delà de cette chasse au trésor, j’ai déjà entendu des expressions comme « untel a une logique est particulière ». Cela donne l’impression qu’il y a plusieurs logiques, et qu’au final chacun a la sienne. Cela me « chiffonne » : pour moi la logique est unique, elle est formalisé par la logique mathématique.
D’autre part, je suis frappé par le caractère vain des débats publics auxquels on peut assister : que ces débats se fassent à l’oral ou à l’écrit. Cela ne semblent pas des exercices de rationalité mais plutôt des confrontations d’ego. Cette caractéristique me semble gagner les domaines scientifiques (paléontologie, climatologie, sans parler de « l’économie »…).
Ces considérations présentent aussi un intérêt professionnel. Une analyse est en effet dépendante d’une certaine « logique ».
Le point de départ va être dénommé « l’exercice de la raison ». Panorama : l’exercice de la raison a pour ambition d’approcher la vérité. La logique apparaît comme une contrainte de validité sur la démonstration (version forte du raisonnement).
La démonstration est l’enchaînement entre hypothèses et conclusions (ou conséquences).
On oublie généralement que pour que la démonstration fonctionne, il lui faut deux corpus
- Un substrat : le vocabulaire du domaine dans lequel s’expriment hypothèses, démonstration et conclusion.
- Un « monde de référence », c'est-à-dire un ensemble assez important d’assertions considérés comme « vraies » (postulats). Ces assertions sont autant d’hypothèses généralement sous-entendues.
Les 2 corpus considérés participent à la constitution d’un monde formel. Ce monde formel est donc distinct du monde « réel ». Il est constitué du vocabulaire, d’un ensemble organisé de postulats, des démonstrations valides (axiomes) et des conclusions de ces démonstrations. Ce monde formel doit rechercher son périmètre et tendre vers la cohérence. Les démonstrations s’ajoutent à ce monde formel et viennent l’enrichir. Il peut être amendé (précisions des hypothèses) mais en aucun cas supprimé (une démonstration valide reste valide). On a ainsi l’espoir de « progresser ».
La projection des assertions de ce monde formel dans le monde « réel » est aussi à prendre en considération. Il s’agit nécessairement que d’approximation. Le fait de savoir si ces approximations sont intelligibles (ont un sens) ou non pour le domaine considéré mérite examen. Dit autrement, il est souvent possible de construire des discours logiques cohérents, par contre son intérêt pratique n’est pas toujours assuré (astrologie ?).
Bilan d’étape.
Ce premier recensement identifie donc 7 composants pour l’exercice de la raison.
- Hypothèse
- Démonstration
- Conclusion
- Vocabulaire
- Hypothèses cachées
- Monde formel (ensemble cohérent de vocabulaire, de postulat et d’axiome).
- Projection du monde formel au monde réel.
On entrevoit qu’il y a de nombreuses « causes » de désaccords (et encore, il faut supposer des acteurs « rationnels », et cherchant la « vérité » et non pas uniquement la défense de leur intérêt).
La logique, une question de monde formel.
A ces 7 compostant, il faut aussi ajouter la logique elle-même.
Elle est constituée de ce vocabulaire (hypothèse, démonstration, axiome, postulat, conclusion, assertion,…) et des règles de validité des démonstration.
La logique est un monde formel de second niveau qui s’applique aux mondes formels de premier niveau (un métamodèle). Il faut reconnaître que rien n’oblige à n’avoir qu’un seul métamodèle. Il est possible de développer plusieurs logiques (logique flou, refus du tiers exclus,..). Toutefois, ces logiques partagent beaucoup d’éléments. Les différences portent sur les règles de validités des démonstrations. Ainsi, je n’ai jamais entendu parler de logique sans démonstration.
En pratique, les nuances entre ces logiques sont des affaires de mathématiciens spécialistes. Elles sont généralement inconnus des « raisonneurs » communs. On peut même considérer que les bases de la logique sont ignorés par le plus grand nombre.
Pourtant, on ne peut ignoré que la quasi-totalité des gens exercent leur raison. On dénommera la base de cette exercice, le « bon sens ». Le « bon sens » est-il une logique ? A-t-il un rapport avec la logique mathématique ?
Le « bon sens » a peu de rapport avec la logique mathématique.
Par exemple, il suffit d’un petit nombre d’exemple pour engendrer une règle générale de « bon sens ». On trouve là l’ensemble des stéréotypes. Le quantificateur « quelquesoit » est beaucoup plus exigeant.
Le « bon sens » confond souvent la réciproque d’une implication et sa contraposée.
Le « bon sens » voit souvent un fait indépendant comme cause d’une conclusion. C’est le domaine de la superstition.
Le « bon sens » est généralement incompétent avec les compréhensions statistiques.
Le « bon sens » n’est pas une logique.
C'est-à-dire que le « bon sens » n’est pas une monde formel de second niveau comme la logique.
Si c’était le cas, le bon sens pourrait se formaliser. Or, rien n’existe. On peut supposer que cela existerait déjà.