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13 novembre 2007 2 13 /11 /novembre /2007 08:58

Il y a une croyance de ma part que je voudrais examiner. Je considère en effet que la poésie est « l’opposé » des mathématiques ». Mais est-ce pertinent ?

Il se trouve que j’ai longtemps été et je suis plutôt encore « à l’aise » avec les mathématiques. Inversement, je suis « mal à l’aise » question poésie. Mais ce constat n’est qu’un indice pour établir l’opposition entre les 2 « démarches ». C’est en effet sur le plan de la « démarche » ou de la « prétention » que j’oppose les 2 corpus.

 

Il y a un point commun : c’est la pérennité des productions de ces démarches. En effet, les mathématiques sont une construction incrémentale : les résultats de l’antiquité ont pleine validité. Ainsi par exemple la géométrie euclidienne et ses théorèmes sont toujours valides. Bien sûr on a progressé : on a trouvé des géométries non euclidiennes. C’est la seule « science » qui présente cette caractéristique. Les résultats des autres sciences sont profondément transformés par le progrès scientifique : quelquefois les anciennes théories sont complètement fausses (Ptolémée), parfois ce ne sont que des cas limites de théories plus vastes (Newton). Cela se traduit notamment par l’évolution du vocabulaire. Mais cette évolution du vocabulaire n’est pas que superficielle : c’est le reflet d’une profonde évolution des concepts.

De la même façon il me semble que l’on peut dire qu’un poème est tout aussi « vrai » dans l’antiquité qu’aujourd’hui.

 

Ce point commun est une justification pour mettre en opposition les 2 démarches. Il reste maintenant à examiner en quoi elles peuvent être opposés.

Tout d’abord il vient la question de « l’universalité ».  Les mathématiques seraient le langage de la science. La science serait universelle. C’est sur elle par exemple que l’on compte pour établir le contact avec les extra terrestre. Bref, les mathématiques seraient vraiment universelles. Je reste sceptique sur cette affirmation mais supposons là.

En face, la poésie est vraiment une affaire humaine. On n’imagine pas ce que pourrait être une poésie des vogons ! Plus précisément, les poésies ont du mal à franchir la barrière de la langue. Tout le monde loue shakespeare, mais quel est le francophone qui l’a lu ? (Moi j’ai essayé). Lorsqu’il est traduit, c’est le dramaturge que l’on loue et non le poète. Bref, la poésie ne me semble pas universelle mais locale.

Voilà donc une première opposition.

 

Les mathématiques définissent des règles du jeu et examinent ce qui découle de ces règles (ce qui est possible, certain, impossible, indéterminé,…). La démarche est rigoureuse. Il est tout à fait licite d’opter pour d’autres règles du jeu.

Dans la poésie classique, il existe des règles. On pourrait croire que c’est analogue. Il me semble que la relation aux règles est profondément différente. D’abord, dans la poésie moderne, les règles ont plutôt disparus. Ensuite, ces règles sont vus comme des contraintes et non comme des hypothèses à faire fructifier. Je n’ai pas connaissance de l’existence d’un générateur automatique de poésie. On pourrait imaginer un logiciel codant les règles d’un sonnet, basé sur un dictionnaire et produisant les « sonnets du français ». Ce serait une industrialisation de la démarche surréaliste. Si on faisait cela, ferait on encore de la poésie ? J’en doute. Alors qu’un équivalent automatique ne sort pas du cadre mathématique (encore qu’il y ait des débats sur la question). Les règles peuvent exister ou non en poésie. En tout cas elles ne se situent pas au fondement de la poésie.

Cette relation à la « loi » est donc une seconde différence.

 

Les deux démarches sont intellectuelles. Toutefois, les mathématiques font appellent à la capacité « rationnelle » de l’esprit humain. Elles manipulent des concepts abstraits.

La poésie n’est qu’accessoirement rationnelle. Comme elle joue avec les règles, elle ne va pas s’interdire de l’être mais ce n’est pas son objet. Un poème va peut être déclencher un réaction de type émotionnelle chez le lecteur. Plutôt qu’une vérité universelle c’est la connivence avec une expérience individuelle qui est en jeu. Souvent cette expérience est éphémère. C’est fréquemment le cas des haïkus. Cette expérience est très fréquemment sensorielle. La poésie c’est du vécu, du « concret ».

Raison contre émotion est une troisième différence.

 

Quelle est la nature de la production des 2 démarches ?

Il me semble que les mathématiques produisent du sens (la signification). C'est-à-dire qu’elles permettent de capter le pourquoi de telle proposition (dans le cadre de règles).

A l’inverse la poésie s’adresserait aux sens (la perception).  C'est-à-dire qu’elle permet de remettre le lecteur en situation de « ressentir ».

Signification contre perception serait une quatrième opposition.

 

Tout cela prouve que l’on peut mettre les 2 démarches sur un même plan et que sur ce plan là elles diffèrent. Mais est-ce pour autant que cette différence conduit à une véritable opposition, c'est-à-dire au fait que l’une est l’autre sont incompatibles ?  (au sens ou Bergson dans « le rire » exprime que l’opposé du rire c’est l’émotion). Et bien, cela reste ouvert.

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commentaires

T
Oui, je fragment, j'analyse... Une vieille habitude.<br /> Votre commentaire ouvre des perspectives.<br /> Il me semble qu'il y a une différence entre 2 démarches :<br /> Analyse + identification d'élément, catégorisation et comparaison (parfois opposition)+ synthèse.<br /> Penser le tout "ensemble". Cela reste mystérieux pour moi.<br />  
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E
Vous voyez une opposition là où vous fragmentez la pensée en différents modes (qui peuvent parfaitement fonctionner de façon complémentaire).<br /> Regardez Pythagore, par exemple, ses théorèmes mathématiques, ses vues cosmologiques, ses allégories philosophiques ou ses conceptions théologiques proches du l'orphisme (Orphée, le poète)...<br /> Bref, c'est  surtout aujourd'hui que nous fonctionnons de façon fragmentaire. Reste à savoir à qui cela profite...
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